Le Baromètre des Mobilités du Quotidien est né en 2019, d’une double ambition portée par la Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH) et Wimoov. La première était de mieux comprendre les pratiques de mobilité, dans leur diversité, depuis les centres-villes où la densité de l’offre de services répond déjà à une large partie des besoins, jusque dans les zones rurales, là où l’accès aux solutions alternatives à la voiture est limité. La deuxième ambition était, en s'appuyant sur leurs expertises croisées, d’aiguiller les politiques publiques sur le long cours.
La deuxième édition du Baromètre des Mobilités du Quotidien intervient dans un contexte unique, mêlant une mise en application de la Loi d’Orientation des Mobilités, deux années de crise sanitaire au lourd tribut social, la guerre en Ukraine et ses conséquences énergétiques et économiques en Europe, et une urgence chaque jour plus grande de lutter contre le changement climatique. Le secteur des transports est, en France, le secteur le plus émetteur (31 % des émissions de gaz à effet de serre). Mais les émissions ne baissent pas et la dépendance massive à la voiture individuelle y est pour beaucoup.
Le 19 septembre 2024, une troisième édition du Baromètre des Mobilités du Quotidien verra le jour avec l’appui de quatre nouveaux partenaires : l’ADEME, la SNCF, la MACIF et le ministère des transports (DGITM). Cette nouvelle étude nous dévoilera les évolutions des pratiques et difficultés de mobilité quotidienne en France et abordera de nouvelles thématiques clés pour aiguiller les politiques publiques. Les résultats seront dévoilés lors de la Journée de la Mobilité Inclusive organisée par Wimoov en septembre prochain.
Une enquête d'envergure sur les pratiques de mobilités en France
Le Baromètre des Mobilités du Quotidien est une enquête biannuelle, menée sur plusieurs mois auprès d’un large panel de Français, répartis au sein sur tous les territoires métropolitains (ainsi que la Guadeloupe en 2024) représentatifs de la diversité de la population. En 2022, ce sont 13 105 personnes qui ont ainsi participé via 2 000 enquêtes réalisées par téléphone et 11 000 en auto-administration sur Internet. Dans cette deuxième édition, Wimoov et la FNH apportaient un nouvel éclairage sur la réalité sociale des mobilités et identifiaient les moyens de transformer nos politiques publiques pour faire enfin rimer lutte contre le changement climatique et progrès social.
La précarité mobilité quantifiée et qualifiée
Ce baromètre a mis tout d’abord en évidence 13,3 millions de personnes en situation de précarité en matière de mobilité en 2022. Cela représente 27,6 % de la population totale des 18 ans et plus. Cette précarité mobilité rassemble deux familles de situation.
Tout d’abord, une situation d’insécurité en matière de mobilité qui touche 9 millions de personnes, soit 18 % des Français de 18 ans et plus. Parmi ces millions de Français.es, le Baromètre nous apprend ainsi que :
- 3,6 millions d’entre eux sont notamment concernés par la précarité carburant : il s’agit des personnes qui ont un bas revenu, des dépenses en carburant élevées et /ou qui doivent déjà restreindre leurs déplacements.
- 4,3 millions sont notamment concernés par la vulnérabilité mobilité. Celle-ci caractérise les ménages à bas revenu qui ont des conditions de mobilité contraignantes, telles qu’une longue distance à parcourir, l’absence d’alternative à la voiture ou des véhicules vieillissant.
- 5,3 millions de Français sont notamment concernés par la dépendance à la voiture. Ce facteur est bien plus large et n’est pas lié à la situation économique personnelle. Il concerne tous les automobilistes qui ont des dépenses élevées en carburants, et des conditions de mobilité contraignantes comme les longues distances ou qui n’ont pas d’autre choix que la voiture.
Notons que 2,5 millions de Français.es cumulent deux ou trois de ces facteurs.
Ensuite, s’ajoutent à ce chiffre 4,3 millions de Français., soit 10 % de la population, qui n’ont aucun équipement individuel ou abonnement à un service de transport collectif.
Ce chiffrage de 13,3 millions de personnes concernées par la “précarité mobilité”, met en lumière les fragilités d’une société toute entière, dépendante de la voiture individuelle (et des carburants fossiles pour la majorité des automobilistes) ou tout simplement oubliée des politiques publiques. D’autant que les difficultés pour se déplacer peuvent parfois se cumuler aux difficultés pour se chauffer ou se nourrir. La France compte en effet 12 millions de personnes concernées par la précarité énergétique et 5 à 7 millions de citoyens touchés par la précarité alimentaire.
Aiguiller les politiques publiques de mobilité
Le baromètre met également en évidence la défaillance des politiques publiques. Si celles-ci échouent à réduire les émissions de gaz à effet de serre elles échouent tout autant à répondre aux besoins des usagers et notamment des plus fragiles. En cause, par exemple, le manque d’infrastructures cyclables dénoncé par les foyers gagnant moins de 1 000 euros net par mois et les habitant.e.s de communes isolées, la politique ferroviaire (LGV) qui profite avant tout aux plus aisés et pénalisent les autres, des voitures électriques encore inaccessible aux classes moyennes et précaires.
Il est plus que jamais nécessaire de sortir de l’impasse. C’est la condition pour respecter les objectifs climat et réduire durablement les inégalités. En 2022, la FNH et Wimoov appellaient ainsi le gouvernement à :
- Renforcer les mesures d’urgence face à la crise énergétique
- Favoriser le partage de véhicules : systématiser les aires de covoiturage dans toutes les communes.
- Renforcer les aides à l’acquisition de vélos, vélos électriques, vélo cargo.
- Accélérer le déploiement du réseau cyclable en renforçant les investissements
- Lancer un plan social national d’accompagnement vers les mobilités durables
La prise en compte des besoins de mobilité des habitants est indispensable et doit devenir la clé des politiques publiques de mobilité. Il est nécessaire de rompre avec une politique de l’offre, centrée sur les infrastructures. Ensuite, les entreprises ont un rôle clé à jouer, et il est temps de faire évoluer la gouvernance vers plus de transversalité. Enfin, ce plan d’accompagnement devra pouvoir compter sur une politique d’investissement massif notamment dans les alternatives et en particulier le ferroviaire. Ce plan permettra une application juste et ambitieuse de la Loi d’Orientation des Mobilités sur les différents territoires au cours des années à venir.